Ameganvi and Anor vs Togo (ECW/CCJ/APP/ 12 of 2010) [2012] ECOWASCJ 46 (13 March 2012)


COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIOUE DES ETATS DE L'AFRIOUE DE L'OUEST(CEDEAO)

SIEGEANT A ABUJA AU NIGERIA

CE MARm 13 MARS 2012


Dans I ' Affaire

Requérants

Mme Isabelle Manavi AMEGANVI et Autres

ayant pour Conseil Me Ajavon Ata Messan Zeus,

Avocat à la Cour d' Appel de Lomé

Contre

Défendeur

L'Etat Togolais Défendeur

ayant pour Conseils la SCP Martial Akakpo

et Me Edah Abby N' djelle


(DEMANDE EN REVISION)

ROLE GENERAL No. ECW/CCJ/ APP/12/10

ARRÊT NC.ECW/CCJ/JUG/06/12

COMPOSITION DE LA COUR

  1. Hon. Juge Benfeito Mosso RAMOS - PRESIDENT
  2. Hon. Juge Anthony A. BENIN - MEMBRE
  3. Hon. Juge Eliam M. POTEY - MEMBRE

Assistés de Me Athanase Atannon - GREFFIER

 

Rend l'Arrêt dont la teneur suit

Procédure

1. Par requête en date du 16 novembre 2011 reçue au greffe de la Cour le17 novembre 2011, Madame Isabelle Manavi Ameganvi, et les Sieurs FABRE Jean Pierre, LAWSON-BANKU Boevi Patrick, OURO-AKAKPO Tchagnaou Nafiou, ATAKPAMEY Kodjo Thomas, NANTI Kwami, ATTIKPA AKAPO, KETOGLO Yao Victor et Brice Ahli APENYA, ayant pour conseil Maître Ajavon Ata Messan Zeus, Avocat à la Cour d'Appe1 de Lomé, 1169 Avenue de Calais, BP 1202 Lomé Togo, ont attrait la République Togolaise, représentée par le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Chargé des Relations avec les Institutions de la République, ayant pour conseils la SCP Martial Akakpo et Maître Edah Abby N'djelle ; à l'effet d'entendre ordonner à I'Etat du Togo de leur faire reprendre leurs sièges de député à l'Assemblée Nationale Togolaise.

Faits

Faits selon les Requérants

2. Les Requérants exposent que sur leur requête, la Cour de Justice de céans a rendu entre eux et la République Togolaise le 7 octobre 2011, l'Arrêt nOECW/CCJ/JUD/09 ; que l'un des chefs de demandes formulés par eux dans la requête ayant saisi la Cour, à savoir leur réintégration à leurs sièges de député au sein de l'Assemblée Nationale par la République Togolaise, n'a pas été examiné, ni tranché par la Cour ; ils concluent que la présente requête a pour but de remédier à cette omission en appelant la Cour à statuer sur ce chef de demande et ordonner à I 'Etat du Togo de leur faire reprendre leurs sièges de députés dont ils affirment n'avoir jamais démissionné.

3. Les Requérants expliquent à ce propos qu'à travers les paragraphes 60, 61 et 62 de l'arrêt sus cité, la Cour a admis qu'ils n'ont jamais eu la volonté de démissionner de leurs sièges de député à l'Assemblée Nationale parce qu'ils n 'avaient pas soumis de lettre de démission dans ce sens.

Faits selon le Défendeur

4. L'Etat du Togo affirme avoir exécuté entièrement les obligations mises à sa charge au bénéfice des Requérants par l'arrêt no ECW/CCJ/JUD/09 du 7 octobre 2011 de la Cour de céans, objet de la requête en omission présentée par Isabelle Manavi Ameganvi et ses Co-requérants ; le Défendeur ajoute que la demande des Requérants résulte du fait qu'ils n'ont pas pu obtenir de l'Etat du Togo la reprise des sièges de député qu'ils ont perdus à la suite de la décision n 0E018/10 du 22 novembre 2010 rendue par la Cour Constitutionnelle de la République Togolaise.

Moyens des parties

Moyens des Requérants

5. Les Requérants invoquent au soutien de leur requête l'article 64 du Règlement de la Cour ; ils demandent à la Cour de se prononcer clairement sur leur réintégration à l'Assemblée Nationale, et citent l'Arrêt no. ECW/CCJ/JUD/03/08 du 8 juin 2008 aux termes duquel la Cour a ordonné à la République de Gambie de remettre en liberté et sans délai Chief Ebrimah Manneh, et ce dès réception de la décision.

Moyens du Défendeur

6. L'Etat du Togo se prévaut d'une part de l'article 7-1 du Règlement de l'Assemblée Nationale et d'autre part de l'article 106 de la Constitution de la République Togolaise, auquel le Défendeur adosse une jurisprudence constante de la Cour.

7. Le Défendeur explique que l'article 7-1 du Règlement de l'Assemblée Nationale du Togo qui dispose que : « le président informe l'Assemblée nationale, dès qu'il en a connaissance, des vacances survenues pour l'une des causes énumérées au titre 3 chapitre I du code électoral et pour tout autre cause. Il notifie à la Cour Constitutionnelle, le nom du député dont le siège est devenu vacant et demande à celle-ci communication du nom de la personne habilitée à le remplacer conformément à l'article 192 du Code électoral » a été respecté ; le Défendeur ajoute que ce texte ne prévoit pas que la Cour Constitutionnelle avait à entendre les Requérants au cours de la procédure qui a conduit à leur remplacement ; en sorte que le seul droit des Requérants qui a été violé est le droit à être entendu devant la plénière de l'Assemblée Nationales et conclut que la réparation de ce droit ne peut pas aboutir à la réintégration des Requérants à I 'Assemblée Nationale.

8. Concernant l'article 106 de la Constitution Togolaise, l'Etat du Togo indique qu'au terme de ce texte, la décision no. E018/10 du 22 novembre 2010 de la Cour Constitutionnelle ayant constaté la perte par les Requérants de leurs mandats de député est revêtue de l'autorité de la chose jugée, a effet erga omnes et ne peut pas être remise en cause

9. Le Défendeur affirme également que la Cour ayant constamment jugé que les recours contre les décisions des Juridictions nationales des Etats Membres ne font pas partie de ses compétences parce qu'elle n'est pas une juridiction d'appel, ni de cassation des juridictions nationales, elle ne saurait méconnaitre la décision de la Cour Constitutionnelle Togolaise en ordonnant à l'Etat Togolais de faire reprendre aux Requérants des sièges de député dont la perte a été constatée par cette juridiction nationale.

Analyse de la Cour ;

Sur la recevabilité de la requête

10. Les Requérants ont reçu notification de l'arrêt n0ECW/CCJ/JUD/09 du II octobre 2011, le 24 octobre 2011 par courrier en date du 21 octobre 2011 de la société DHL requis par le greffe de la Cour ; et formé leur demande en omission de statuer par requête datée du 16 novembre 2011, enregistrée au greffe de la Cour le 17 novembre 2011 ; soit dans le mois de la signification.

11. Aussi la Cour constate-t-elle que la requête en omission de statuer présentée par Isabelle Manavi Ameganvi et ses Co-requérants est recevable pour être intervenue conformément à l'article 64 du Règlement de la Cour, et la déclare comme telle.

Sur le fond

12. Les Requérants soutiennent que la Cour a omis de statuer sur leur demande en réintégration à l'Assemblée Nationale Togolaise, alors que cette demande a été formulée dans leur requête ayant saisi la Cour et donné lieu à l'arrêt sur lequel porte la présente requête en omission de statuer ;

13. De prime abord, la Cour note que la requête présentée par Isabelle Manavi Ameganvi et ses Co-requérants, et qui a donné lieu à l'arrêt appelé en omission de statuer, a saisi la Cour d'allégations de violations de droits de l'homme par l'Etat Togolais au préjudice des Requérants ; notamment les droits de l'homme prévus par les articles 7/1, 7/1 /c, et 10 de la Charte Africaine des Droits de I 'Homme et des Peuples,

14. La Cour note que dans ce contexte, la réintégration des requérants à l'Assemblée Nationale Togolaise apparait simplement comme une conséquence éventuelle d'une violation d'un droit de l'homme pouvant être constatée au détriment des Requérants, et non comme un chefde demande sur lequel la Cour doit statuer en tant que tel,

15. A cet égard la Cour observe que son arrêt appelé en omission de statuer a admis la violation d'un droit de l'homme, précisément le droit des Requérants à être entendu par la plénière de l'Assemblée Nationale, et même ultérieurement par la Cour Constitutionnelle.

16. Aussi, la Cour constate-t-elle qu'en retenant les violations des droits de l'homme alléguées, par Isabelle Manavi Ameganvi et ses Corequérants contre la République Togolaise, elle a entièrement vidé sa saisine qui est de dire si l'Etat Togolais a violé des droits de l'homme au préjudice des Requérants.

17. La Cour estime que la demande de réintégration s'apparente à un recours contre la Décision no. EOI 8/10 du 22 novembre 2010 de la Cour Constitutionnelle de la République Togolaise qui est une juridiction nationale d'un Etat Membre, juridiction pour laquelle la Cour, suivant sa jurisprudence constante, n'est ni une juridiction d'appel, ni de cassation et dont la décision par conséquent ne peut être révoquée par elle.

18. La Cour n'avait donc pas à aller au-delà de sa compétence pour se prononcer sur la demande de réintégration, qui, si elle était ordonnée, équivaudrait à l'annulation de la décision de la Cour Constitutionnelle pour laquelle la Cour de Justice de la Communauté n'a pas de compétence.

19. En conséquence, la Cour juge que l'omission de statuer dont se prévaut les Requérants n'est pas fondée, et doit en conséquence être rejetée.

Sur les dépens

La Cour est d'avis, eu égard aux circonstances de la cause, qu'il est juste de mettre les dépens de chaque partie à sa charge.
Sur les dépens

Par ces motifs

En la Forme

  • Déclare Isabelle Manavi Ameganvi et ses Co-requérants recevables en leur requête en omission de statuer

Au fond

  • Dit qu'il n'y a pas omission de statuer, et que la Cour n'a pas à ordonner la réintégration des Requérants à l'Assemblée Nationale Togolaise dont la perte des sièges de député a été constatée par la Cour Constitutionnelle.
  • Mets les dépens de chaque partie à sa charge.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour de Justice de la Communauté, CEDEAO les jours, mois et an que dessus.

Et ont signé,

 

  1. Hon. Juge Benfeito Mosso RAMOS - PRESIDENT
  2. Hon. Juge Anthony A. BENIN - MEMBRE
  3. Hon. Juge Eliam M. POTEY - MEMBRE

Assistés de Me Athanase Atannon - GREFFIER

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